J’ai trouvé mon Maître

Par Nathalie Borie

C’est la faute à mon homme si j’en suis là. Je ne sais même plus pourquoi il a voulu qu’on essaye ça. C’est vague dans ma mémoire mais il ne s’est même pas gêné pour l’amener jusque dans notre lit et chambouler nos vies. Je ne me doutais même pas à quel point il aurait une emprise sur nous. Je l’avoue, je suis soumise à Micael Béliveau, Maître Fumeur.

Je vous regarde aller et vous l’êtes tout autant que moi. Peu importe la saison, vous êtes prêts à le satisfaire. Vous fouinez, testez, questionnez et même pelletez pour assouvir vos désirs. Vous êtes fidèles. Il doit bien vous apporter quelque chose pour que vous soyez presque 50 000 abonnés à le suivre. Bien égoïstement, j’aurais pu le garder pour moi, vous le connaissez par cœur de toute façon. Ça fait deux ans et demi qu’il entretient vos fins de semaine, contrôle vos achats et dirige vos lectures du soir. On dirait pourtant que ça fait une éternité qu’il nous chuchote à l’oreille de vérifier la température mais Maître Fumeur est aussi l’artisan du temps qui se consume, lentement.

L’apprenti fumeur

Micael n’est pas différent de vous et moi. Il s’est installé avec son premier fumoir, s’en est remis au dieu Internet et a « gossé » toute une journée. Lui aussi, il a fini par y mettre son été au complet. Même conclusion que vous à votre première fois; résultats peu satisfaisants. Avec une fierté bien placée, il achète un autre vieux fumoir en vendant des Mags qui traînaient dans sa cour. Oh, n’allez pas vous choquer avec ça; vous, vous avez dépensé bien des rouleaux de papier d’aluminium pour boucher les trous de votre BBQ! On appelle ça les moyens du bord et vous en avez essayé des dizaines.

Un apprenti, ça s’instruit. Mais pour ça, il faut pouvoir se nourrir à souhait et Micael s’aperçoit vite que son appétit est dur à satisfaire. Les informations sont quasi inexistantes. Pas mal en anglais, pas mal à la sauce US, peu adapté à notre culture québécoise. Il est temps d’y mettre une mise à jour. Il ouvre un groupe Facebook sur lequel il se met à vous partager trouvailles et recettes, qui finissent par se perdre rapidement dans un fil d’actualité trop gourmand. Pas pratique. Alors, il s’installe en arrière de son écran, met à profit sa formation d’informaticien et crée le site Maître Fumeur, l’unique site francophone spécialisé sur lequel vous retrouvez tout : recettes, trucs, articles, boutique et bien sûr l’indispensable calculatrice du fumeur, merci Seigneur! Pis c’est là que vous, vous avez arrêté de chercher comme 2,5 millions d’autres visiteurs.

« Je ne le réalise pas, pis je dors mieux comme ca. »

Un Maître à temps plein

Oui, ça fait du monde! Du monde à satisfaire, à gérer, à écouter, à conseiller. C’est 180 000 commentaires par mois et presque 300 messages privés par jour. Une gestion qui n’est pas de tout repos mais qui se vit beaucoup mieux maintenant. La notoriété a un prix. Des commentaires négatifs, il en lit; des « je sais mieux », il y en aura toujours; de la jalousie, il la sait; des menaces de mort après avoir banni un membre, il en reçoit. Un flot incessant qui l’a amené à se questionner sur si tout cela en valait la peine. Mais il tient sa ligne et entretient son feu: inspirer dans le respect. Pour ceux qui le veulent bien. Cela a toujours été la vision de Micael. Partager sans compétition. On est déjà bien assez stressé dans le quotidien, si en plus, il faut s’énerver pour être parfait, où se trouve le plaisir? Cela ne rejoint absolument pas ce qu’il recherche à nous faire vivre. Il préfère nous éduquer en explorant sa curiosité personnelle à faire mieux. Ses formations restent l’essence même de ce qu’il veut redonner et vous êtes plusieurs à vous y être découvert les mots qui vous ont poussés à la folie; saumure, salaison et votre préféré, nitrite. Pas de secrets. De 15 personnes, vous êtes maintenant 70 à réserver votre place en 24 heures, un peu partout au Québec. Alors il fait la route à votre rencontre, lui, le petit gars gêné de Notre-Dame-du-Mont-Carmel. C’est là qu’il réfléchit aussi. À froid ou à chaud.

Le Maître créateur

Il essaye, taponne, se forme. Simple de même. Ça va vite dans la vie de Micael. Il ne sait jamais ce qui va lui être offert et n’a vraiment pas de plan, si ce n’est que de rester dans l’action et vivre ce qui se présente au fur et à mesure. Les changements de cap ne l’effraient pas. Il apprend à ne pas se disperser dans tout, ouvre des portes, essaye de nouvelles collaborations et reste très terre à terre. Depuis quelques temps, Micael travaille la minutie dans l’assiette, la présentation des plats, agrémenter le fumoir d’autre chose que notre traditionnelle salade de patates. C’est beau des côtes, même très beau, mais ça manque de punch et de gastronomie. Il s’inspire des saveurs, des produits et bien évidemment, vous alimente de ses trouvailles presque quotidiennement; après tout, vous êtes le public. Mais Micael a toujours besoin de nouveautés. Il y autant d’idées dans sa tête que de fumoirs dans sa cour. On ne laisse pas un impulsif comme lui ne pas vouloir nous surprendre. Je ne peux pas vraiment vous révéler ce qui s’en vient, mais Micael maîtrise aussi l’art de nous faire « capoter » patiemment, comme à chaque fois. Vous allez en faire des commentaires, je vois déjà les statistiques grimper. Oh et puis, confidence à confidence, je peux bien vous révéler un petit morceau. Vous risquez d’avoir un printemps bien occupé dans vos cuisines et une envie insoupçonnée de vous créer de nouveaux besoins. Ça sent le renouveau dans notre Time to vote. « Avec ce qui s’en vient, ça va décoller. » Ce sont ses mots, moi je fais juste vous le rapporter. J’ai quand même éclaté de rire, je trouvais que le vol se passait plutôt bien jusqu’ici.

Le Maître rassembleur

Je sais maintenant pourquoi. Fumer est un art ancestral, un art de patience. C’est se rattacher à la terre et au feu. Ça sonne « homme des cavernes » mais c’est peut-être ça qui explique votre engouement. Pouvoir se reconnecter aux traditions et se réunir pour le simple plaisir de savourer avec fierté ce que l’on a créé. Fumer, c’est prendre le temps de s’imprégner de l’essence de bois, d’atteindre la chaleur parfaite, de choisir la viande avec soin, l’enrober d’amour à chaque nouvelle fois, même finir par lui parler. Vous voulez y faire honneur et surtout la partager.

Alors cette rencontre, c’était beaucoup pour vous, un peu pour moi. Je ne suis que l’assistante, celle qui « rub », tient les pinces et a un paquet d’épices dans ses armoires. Je suis celle qui prépare les « tout ce qui va avec », incluant une bière ou deux. Mais je suis surtout celle qui dévore à grandes bouchées cet arrêt dans le temps, avec son Cro-Magnon. Alors, Maître, tu peux bien continuer à t’inviter chez nous tous, il y aura toujours un feu.

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