Le long fleuve tranquille de Lisa

Par Nathalie Borie

Je cherche toujours à redéfinir le mot « entrepreneur ». Est-ce quelqu’un qui construit autour d’une idée et qui peut fièrement se dire propriétaire ou quelqu’un qui sait bâtir son parcours, rectifier le tir et travailler sa vision. Un modèle un peu plus élargi sur lequel Lisa Lemay y a inscrit son empreinte.

Lisa est une femme très animée, sure de ce qu’elle est et de ce qu’elle fait. Représentante pour le département mobilier de BuroProCitation, elle ne vous vend pas un prix. Elle vous offre une ambiance. Ses produits, elle les connait, son service, elle le maitrise. Pourtant, elle a longtemps pensé qu’elle n’était pas à la hauteur, pas assez instruite pour réaliser quoi que ce soit, encore moins émettre une opinion. Un sentiment trompeur, qui vous laisse seulement naviguer à la surface.

Ramer à contre-courant

À 17 ans, Lisa monte dans sa barque et quitte le nid familial pour Montréal. Pas de secondaire 5 et enceinte de son premier fils. La vie étant ce que l’on en fait, le système D devient prioritaire. Pendant six ans, elle travaillera dans une pharmacie. Cette première période lui fera découvrir le service à la clientèle. Elle s’y sent bien, libre d’aimer les gens, les ressentir et les aider. Un élément qui teintera tout son cheminement. Avec l’arrivée de son deuxième enfant, elle choisit d’être plus présente et ouvre sa garderie familiale. Être proche de sa famille devient un plus mais l’équilibre est un tout et les adultes sont absents de son quotidien. Un lien qui lui manque et qui fait tanguer la barque. Elle abandonne donc ce projet et après un court détour dans une entreprise de soudure, Lisa et son conjoint décident, d’un commun accord, de retourner à Victoriaville.

« Tout doit être fait pour t’ancrer à tes racines »

Une décision réfléchie et lourde de conséquences. Ni l’un ni l’autre n’a d’emploi mais l’équilibre reste la priorité, même sur un coup de dé. Système D 2.0. Lisa veut s’en aller en secrétariat mais ses démons scolaires la rattrapent.  Née au Connecticut et y vivant jusqu’à l’âge de 7 ans, la maitrise du français est un défi auquel elle décide de s’attaquer. Pour améliorer son sort, il faut oser sortir du confort. Cela lui prendra 120 heures pour parvenir à compléter un cours qui en compte 90. Cette réussite personnelle lui donne l’assurance et la certitude que tout est possible. Lisa ne s’enfermera pas dans un bureau. C’est alors la rencontre avec une nouvelle famille professionnelle, celle de BuroPro Citation. Engagée à l’impression, elle renoue avec grand bonheur avec le service à la clientèle et par la suite, comme représentante. On lui donne carte blanche, des responsabilités pour des projets spéciaux et le développement des affaires. Malgré qu’elle vive une histoire tissée avec l’entreprise, les horaires, la route et le manque de temps pèsent sur son équilibre. Après 10 ans et demi, elle vit sa première déchirure professionnelle et quitte, à la recherche d’un défi plus stable.

Trouver les eaux calmes

Cette décision fera chavirer la barque. La passion, la reconnaissance et l’intégrité sont complètement absents de son nouveau milieu de travail. Des valeurs auxquelles elle s’était identifiée les dernières années. À tourner une poignée de porte qui vous ouvre sur le fond, c’est la noyade qui vous attend. Pour Lisa, réaliser à quel point cela était essentiel à sa carrière professionnelle sera la plus belle chose qui lui soit arrivée.

« J’ai enfin compris où étaient mes limites »

Lisa fait enfin place au libre choix et non à l’obligation. Une belle traversée qui la ramène au port. C’est donc naturellement qu’elle retourne vers son ancienne famille.  Lisa sait bien que ce n’est pas son entreprise mais elle lui redonne ce qu’elle y a reçu. Une confiance mutuelle bâtit sur la fierté, la loyauté et le respect de ses convictions. Lisa porte la fierté de la route parcourue. Elle a su la stabiliser à travers les vagues. Le quand-dira-t-on, le ressenti, le regard des autres, ça fait longtemps qu’elle ne s’y attarde plus. Ses expériences valent plus que bien des diplômes.

La persévérance, l’atteinte de buts, la redéfinition de soi, n’est-ce pas cela être entrepreneur? Je crois que nous le sommes tous, nous le savons juste pas.


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