Entreprendre une différence

Par Nathalie Borie

D’entrée de jeu, je vous avouerai ne pas connaître grand-chose aux arts. Notre relation s’est arrêtée à mes cours du secondaire qui me paraissaient interminables. Mon cerveau était bien plus inspiré par les mots que par les pinceaux. Adulte, je ne suis pas plus experte en la matière mais je sais reconnaître ce qui est beau. Alors, je vous l’affirme, La Fenêtre, Centre d’immersion aux arts, est une œuvre magistrale.

La Fenêtre s’est présentée à moi, au hasard d’un fil d’actualité Facebook. Je ne m’y suis pas vraiment arrêté. Le lecteur Facebook est lâche, c’est bien connu. Et puis, elle m’est réapparue peu de temps après, au hasard d’un souper. C’est Françoise Bouchard qui m’a fait découvrir le centre. En fait, pas vraiment. C’est plutôt son discours passionné qui m’y a poussée. Alors, on s’est assise et on a jasé.

Tout naît toujours d’une simple idée

Celle d’une prof de théâtre qui partageait le goût du jeu, des rôles, de la scène avec l’autre. D’école en école, elle offre les planches à des élèves bien particuliers, des enfants avec des limitations fonctionnelles.  Au-delà des handicaps, au-delà des non-dits, elle crée une nouvelle présence et des occasions d’échanges, avec la conviction que tous contribuent à quelque chose de mieux. Peu à peu, elle laisse l’école venir à elle et s’installe dans le sous-sol d’un local au centre-ville de Trois-Rivières. Sans fenêtres. Rempli de beau. 

La première ébauche de ce que devait être le centre se dessine officiellement et les ateliers d’arts adaptés prennent leur premier envol en 1998. Un peu plus de 20 ans plus tard,  l’idée s’est transformée en un organisme reconnu pour son impact sur la communauté et unique au Québec. Unique, parce qu’il offre un lieu privilégié d’éducation, de socialisation et d’inclusion sociale pour les personnes handicapées de la Mauricie.

Tout se trouve dans sa mission

L’art, comme le corps, n’est restrictif que si on se l’impose. La Fenêtre accueille tous les types de clientèle, et de tous âges, qui vivent avec des handicaps. Beaucoup sont limités mais ensemble, accompagnés et encadrés par des artistes pédagogues et une équipe de bénévoles, ils créent.  Ils sont vus et entendus. J’ai été impressionnée par la créativité qui émanait des mosaïques, dessins, sculptures, et créations collectives. Des œuvres réalisées avec minutie et de grande qualité. Surtout que, je vous le rappelle, je ne suis qu’une novice, avec tous ses morceaux.

«Le messager» – mosaïque – 6’3×3′

 S’ils créent, ils sont

Mais ce n’est pas ça qui m’a accrochée. J’y ai surtout rencontré des sourires, des touchers, des regards, pour lesquels tous se comprennent. Les silences ne veulent pas dire qu’il n’y a rien. Si communiquer, c’est pouvoir transmettre un message alors je ne l’ai jamais aussi bien fait qu’en leur présence.

S’investir à la passion

Cette idée n’était pas celle de Françoise. Pourtant, il n’y a aucun hasard au fait qu’elle en soit la directrice générale. C’est un simple retour à ce qu’elle devait être. Elle vit les arts depuis toujours et, au fil du temps, elle est devenue une experte multitâche, passionnée par l’organisation. Des plans d’action, elle en a fait dans sa vie. 

Savoir s’adapter reste le plus grand atout

Détentrice d’un baccalauréat en enseignement des arts, elle bifurque peu de temps après vers l’entrepreneuriat en créant une compagnie de cinéma de production. Avec une infime patience, elle crée, dessine et image, de façon traditionnelle, plusieurs productions. Elle  touche aux vidéos corporatives et publicitaires et devient, avec expérience et expertise, assistante à la réalisation à Télé-Québec, puis réalisatrice à la production à Radio-Canada.

Elle l’avoue elle-même, elle avait les conditions parfaites, une équipe complète mais peu de stabilité. De contrat en contrat, vous vous éloignez de la quête d’une certaine stabilité. Et il en faut lorsque vous êtes aussi une maman monoparentale de trois enfants, dont un avec un handicap. C’est ce que j’appelle une femme de carrièreS.

Elle occupe alors plusieurs autres postes de coordination pour diverses organisations, tous aussi hétéroclites les uns que les autres. Une seule constance dans ses choix : l’humain. 

C’est suite au dépôt d’une candidature spontanée, qu’elle débutera à la Fenêtre en tant que directrice générale, coordonnant, dès ses débuts, les activités du 20ième anniversaire et du déménagement.Le centre s’était enfin trouvé des fenêtres.

Savoir relever les défis

Françoise mise sur ses forces : le développement et l’ouverture à l’autre. Avec toute son équipe, elle met beaucoup d’énergie à faire connaître le centre. Elle ouvre grande la porte aux collaborations avec les milieux et les organismes complémentaires aux services offerts par la Fenêtre. Les arts œuvrent, s’exportent et deviennent le canal d’une création spontanée et partagée. 

Mais encore faut-il que ce soit su, et encore plus, lorsqu’on parle d’implication dans le communautaire. C’est là qu’il faut entreprendre une différence. Soyons francs. L’argent. Il en faut. Point. Les organismes communautaires vivent ou survivent, dirais-je. Ce sont des entreprises à petits miracles qui se lèvent et se relèvent à coup de campagnes d’autofinancement et d’attribution de subventions, pour lesquelles il faut toujours présenter de nouveaux projets. Bien louable, mais dans le quotidien, ça prendrait une équipe dévouée entièrement à ça. Un mal nécessaire mais bien mal adapté à la réalité des OSBL.

J’aurais pu vous donner bien des chiffres pour vous faire comprendre l’impact du centre sur notre communauté. Mais l’avenir de la Fenêtre, Centre d’immersion aux arts est clair parce qu’il a un pourquoi bien défini et essentiel. Je préfèrerais bien plus que vous y alliez, que vous poussiez la porte de la Fenêtre. Allez à la rencontre de toute une différence, ouverts à ce que vous pourriez y ressentir. Et si, à votre tour, vous faisiez partie de l’œuvre? 

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